Coronavirus: faire le point

Adrien Foucart | 12 Mar 2020
2xRien - un blog

Je ne suis pas médecin. Je ne suis pas épidémiologiste. Je ne suis pas virologue. Je n’ai une compréhension que très partielle des modes de contamination et de l’efficacité des différentes mesures que l’on peut mettre en place pour limiter l’épidémie.

Comment dès lors se faire une opinion raisonnée et raisonnable sur ce qu’il faut faire, et sur le risque réel posé par ce qui est désormais officiellement une pandémie mondiale ?

Mon réflexe face à une déferlante médiatique alarmiste est toujours de relativiser (“la grippe saisonnière fait plus de morts”) et de soutenir les solutions minimales (“ne cédons pas à la panique”). Mais je veux aussi regarder les chiffres (parce que ça, je sais faire!) et en tirer les conclusions nécessaires.

Chiffres issus des communiqués du SPF Santé Publique (https://www.info-coronavirus.be/fr/news/)

Quelques faits qui me semblent importants :

  • Les chiffres publiés tous les jours par le SPF Santé sont à prendre avec beaucoup de précautions. Les “nouveaux cas détectés” sont principalement corrélés avec le nombre de tests effectués (et donc avec la disponibilité de ces tests).
  • Vu le temps important entre l’infection et les symptômes (et donc les détections), il y a un décalage de une à deux semaines entre la “courbe des infections réelles” et la “courbe des infections détectées”. (voir par exemple cette étude). En se basant sur les données de Hubei, par exemple, les ~300 cas détectés en Belgique aujourd’hui correspondent possiblement à ~2000 personnes réellement infectées aujourd’hui. Notons bien que la marge d’erreur sur une telle extrapolation est énorme. Le nombre de cas réel pourrait tout aussi bien être de 500 que de 5000.
  • Conséquence importante de ce “décalage des courbes”: la croissance exponentielle de la contamination – si on est dans une croissance exponentielle – continue environ 10 jours après que des mesures drastiques de confinement soient mises en place.

La question pour la Belgique est: faisons-nous face à une croissance exponentielle actuellement ? La réponse n’est pas, pour l’instant, possible à obtenir. Le début d’une croissance exponentielle est impossible à distinguer d’une croissance linéaire. L’incertitude sur les chiffres actuels est trop grande.

Le principe de précaution veut, dans ce cas, qu’on utilise l’hypothèse la plus défavorable. Si nous sommes aujourd’hui sur une croissance exponentielle, nous aurons dans une semaine ou deux (quelles que soient les mesures prises dans les jours qui viennent) plusieurs milliers de cas détectés. Si aucune autre mesure n’est prise dans les jours qui viennent, il n’est pas irréaliste de s’attendre à plusieurs dizaines de milliers de cas d’ici trois à quatre semaines.

En attendant que la courbe soit clairement exponentielle (comme en Italie, en Iran, en Corée du Sud, et maintenant en Espagne ou en France…) pour mettre en place des “mesures drastiques”, on court un risque élevé de prendre ces mesures trop tard.

Aujourd’hui, l’Italie ferme les commerces, les bars, les restaurants. Si la situation suit l’exemple chinois, ils devront malgré cela faire face à encore dix jours de croissance du nombre de personnes infectées, alors que leurs infrastructures médicales sont déjà surchargées aujourd’hui. Il est facile de critiquer leur gestion de la crise a posteriori: s’ils avaient pris ces mesures il y a deux semaines, la situation serait restées sous contrôle.

Il y a deux semaines, il y avait 650 cas détectés en Italie. Aujourd’hui, il y en a 300 en Belgique… et plus de 12.000 en Italie. Nous avons le luxe en Belgique de pouvoir profiter de ce décalage de deux semaines entre l’arrivée du virus en Italie et son arrivée chez nous pour garder la courbe en-dessous du taux de saturation des hôpitaux.

Faut-il alors fermer aujourd’hui les écoles, les bars, les restaurants, les crèches, les clubs sportifs ? Je n’ai pas la moindre idée de ce qui peut être laissés ouvert et ce ce qu’il faut fermer pour être le plus efficace. Mais si le gouvernement a un plan pour le “stade 3” – comme ils s’apprêtent sans doute à le faire en France – c’est en l’activant le plus tôt possible qu’on limitera le plus le dégâts.

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