Père Fouettard : raciste ou ramoneur-ophobe ?

Adrien Foucart | 26 Nov 2019
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Les nuits se font longues, le froid s’installe, les citrouilles se transforment en boules de Noël, il est temps de sortir des hottes la Grande Question des fêtes de fin d’année : faut-il bouter le Père Fouettard hors de nos Saint-Nicolas ? Zwarte Piet est-il un spectre de notre passé colonial, le “racisme hollandais dans toute sa splendeur” (pour citer Kim Kardashian), ou bien faut-il le préserver, au nom de notre-patrimoine-culturel-godverdomme, des attaques bienpensantes et mal intentionnés ?

Un costume traditionnel de ramoneur ? (Alias 0591, Wikimedia)

Le Soir nous dit que “le personnage est lié au passé colonial du pays” car “les Zwartes Piet étaient les esclaves de Saint-Nicolas.” “Faux !”, crient les commentaires Facebook de l’article, relativement unanimes. Il est juste sale ! Il est plein de suie, après être passé dans la cheminée. Sauvez Père Fouettard !

Facebook, lieu de débat raisonné et courtois

La Dernière Heure semble d’accord avec cette dernière interprétation, expliquant que les “militants antiracisme se sont donc emparés de Zwarte Piet, qui était, à la base, noir… de suie, puisqu’il accompagnait saint Nicolas dans le conduit de la cheminée”.

Avec les uns qui disent blancs et les autres qui disent noir (de suie), qui croire ?

L’origine exacte du Père Fouettard est difficile à déterminer, et il existe de multiples variations du personnage selon les régions. Mais le Zwarte Piet qui est généralement associé au Grand Saint aux Pays-Bas et en Belgique semble faire son apparition dans le courant du dix-huitième siècle. L’anthropologue néerlandais Jef de Jager fait remonter à 1828 la première apparition documentée à Amsterdam d’un Saint-Nicolas accompagné de son serviteur Pieter, un “nègre aux cheveux crépus.” Il cite également un article du journal De Tijd de 1859 parlant de la coutume de faire venir à domicile un Saint-Nicolas paré d’une mitre et accompagné d’un “Nègre qui, sous le nom de Pieter le serviteur est aussi populaire que le Saint”.

Zwarte Piet en 1915, www.oudejeugdboeken.nl via https://jefdejager.nl/sint.php

C’est au début du XXième siècle que Zwarte Piet prendrait son rôle actuel de “méchant” (à l’origine, il aidait à distribuer les cadeaux), fusionnant le personnage avec l’idée présente dans beaucoup de pays de l’ex-Saint Empire Germanique d’un pendant maléfique au gentil Saint-Nicolas, comme Krampus.

Mais d’où vient alors l’idée que Zwarte Piet est juste sale ? Ce nico-révisionnisme semble – toujours selon Jef de Jager – apparaître juste après la seconde guerre mondiale… pour blanchir un personnage qu’on accuse d’être un peu trop ouvertement raciste. Si l’explication officielle fait appel à la suie, cependant, le costume garde les cheveux crépus et les grosses lèvres rouges qui font tout de même plus penser à Tintin au Congo qu’à Mary Poppins.

Mais il existe une autre source de confusion. Car Père Fouettard et Zwarte Piet, c’est chou vert et noir chou ! Si les deux ne font qu’un aujourd’hui en Belgique, l’Histoire est plus compliquée.

Car oui, il y a un autre Père Fouettard ! Présent en France, en Suisse et à l’origine dans le sud de la Belgique (aussi sous le nom de Hans Trappe, ou Hanscroufe à Liège), certaines versions présentent les caractéristiques généralement associées au personnage par les défenseurs de la tradition Père-fouettesque, avant d’être chez nous usurpé par l’esclave que nous célébrons aujourd’hui.

Bonhomme Noël et Père Fouettard, dans : “Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte”, Karin Ueltschi (Google Books)

Il a le visage parfois noirci, mais noir/sale, pas noir/raciste. Il ne semble pas avoir d’affinité particulière pour les cheminées, mais il donnerait du charbon aux enfants pas sages, ce qui peut expliquer son teint.

Pour résumer :

  • Zwarte Piet : très, très clairement lié à notre beau passé colonial, indiscutablement raciste dans son origine. Après, on a le droit de s’en foutre… mais pas de prétendre que ses origines n’existent pas !
  • Père Fouettard : pas raciste… dans sa version française, dont le look est complètement différent de celui qu’on utilise en Belgique.

À tous les défenseurs de la tradition de Père Fouettard, je dirais donc : si vous voulez défendre un Père Fouettard sans passé raciste, allez au bout des choses. Chassez Zwarte Piet et faites revivre le vrai Père Fouettard de nos aïeux, qui peut se targuer de nobles origines remontant jusqu’à Charles Quint !

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