Puisqu’on parle de Reporters Sans Frontières…

Adrien Foucart | 21 Jun 2018
2xRien - un blog

Tous les ans, Reporters Sans Frontières établit un “classement mondial de la liberté de la presse”. Charles Michel a décidé d’utiliser celui-ci pour expliquer que, lui premier ministre, la liberté de la presse est nettement mieux garantie en Belgique qu’avant, dans les heures sombres de notre histoire où notre beau pays était aux mains des socialistes (le fait que le MR faisait aussi partie du gouvernement n’a, bien entendu, absolument rien à voir).

.@RSF_inter établit chaque année un classement.
Lorsque vous dirigiez le Gouvernement, M. @eliodirupo, nous avons reculé de la 20e à la 21e place.
?? Sous ce #Begov: ?? = 7e pays qui garantit le mieux la liberté de la presse! pic.twitter.com/YzSShSAKmI

— Charles Michel (@CharlesMichel) 21 juin 2018

Puisque M. Michel choisit d’accepter l’arbitrage de RSF sur la question, si on allait jeter un oeil à ce fameux classement, et à son évolution depuis le gouvernement Di Rupo ?

Voyons d’abord comment ce classement est réalisé. Reporters Sans Frontières décrit la méthodologie sur son site web. En résumé : ils envoient un questionnaire à différents professionnels des médias, à partir desquels ils calculent une série d’indicateurs thématiques (pluralisme, indépendance, environnement et autocensure, cadre légal, transparence, infrastructures, violences). Enfin, tout ça est mis dans une formule qui donne un score entre 0 (meilleur score) et 100 (moins bon score).

Notons que le mode de calcul actuel n’est d’application que depuis 2013. On ne peut donc comparer les années entre elles qu’à partir de ce moment-là. Notons aussi que le rapport concerne à chaque fois l’année précédente (le rapport 2018 est déjà sorti et mesure la liberté de la presse durant l’année 2017).

On peut trouver un tableau récapitulatif des scores et des classements sur Wikipedia. Pour la Belgique, on a:

Année Premier ministre Classement Score
2013 Di Rupo 21 12.94
2014 Di Rupo 23 12.80
2015 Di Rupo* (en fonction jusque octobre 2014) 15 11.98
2016 Michel 13 14.18
2017 Michel 9 12.75
2018 Michel 7 13.16

Que peut-on donc réellement dire de ces rapports Reporters Sans Frontières ?

  1. La Belgique est effectivement montée dans le classement sous le gouvernement Michel par rapport au gouvernement Di Rupo.
  2. Le score de la Belgique, par contre, est légèrement moins bon : le classement reflète donc surtout que la liberté de la presse a plus diminué chez les autres que chez nous.
  3. Au vu du mode de calcul et de collecte des données, une différence de 2-3 points comme on peut le voir ici n’est probablement pas très significative. Reporters Sans Frontières définit une “bonne situation” par un score inférieur à 15, que la Belgique conserve toujours pour l’instant. Au classement 2013, 25 pays remplissaient cette condition. Au classement 2018, il n’y en a plus que 17.

L’analyse de Reporters Sans Frontières de la situation mondiale est claire: il y a un “accroissement des sentiments haineux à l’encontre des journalistes” et une “hostilité revendiquée envers les médias, encouragée par des responsables politiques” qui menace les démocraties, y compris en Europe.

De plus en plus de chefs d’Etat démocratiquement élus voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion.

Et là, lorsque M. Michel reprend à son compte le vocabulaire de Donald Trump et crie aux “fake news”, il ne fait que jeter de l’huile sur le feu.

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