Il y a six ans déjà, j’écrivais sur Starlink, le projet de SpaceX d’inonder le ciel de satellites de télécommunication pour fournir une connexion internet haut débit n’importe où dans le monde (enfin, n’importe où Elon Musk a envie d’en fournir). Je notais à l’époque un soucis majeur de la multiplication rapide du nombre d’objets en orbite: la pollution lumineuse qui a un énorme impact sur les capacités des astronomes à observer le ciel. Et je trouvais un peu dommage qu’il n’y ait globalement aucun contrôle au niveau international sur l’occupation de ces orbites: tant que Musk a l’accord des États-Unis, il fait ce qu’il veut, même si c’est notre ciel à toutes et tous qui en subit les conséquences.
En 2019, il y avait soixante-deux satellites Starlink en orbite. Aujourd’hui (au 3 avril 2025), il y en a 7.1481. Il y a même un site pour voir leur position en direct, si on veut. Mais il y a un autre chiffre intéressant sur le site de Jonathan McDowell: 8.186. C’est le nombre de satellites lancés par Starlink. La différence entre les deux, 1.038, est le nombre de satellites Starlink qui se sont désintégrés dans l’atmosphère. Et ça, c’est un autre aspect de la pollution causée par le projet auquel je n’avais pas trop pensé à l’époque, mais qui est franchement terrifiant.
SpaceX compte renouveler sa “mégaconstellation” tous les cinq ans. On parle donc à terme de milliers de satellites par ans qui viennent se désintégrer dans l’atmosphère. L’impact de ces désintégrations n’est pas du tout connu pour l’instant. Une étude de 20212 note que la quantité d’aluminium déposée chaque année par Starlink dans l’atmosphère est possiblement supérieure à celle déposée par des météorites. On n’est donc en tout cas pas dans des quantités négligeables.

Mais il n’y a pas que l’atmosphère qui est polluée. L’astronome canadienne Sam Lawler, qui habite dans le Saskatchewan, raconte sur Mastodon3 comment deux débris différents appartenant à SpaceX (un de Starlink, un de Dragon) ont été retrouvés au sol dans sa province. Comme elle le note: “J’ai maintenant vu deux engins spatiaux de SpaceX, conçus pour être ‘entièrement désintégrables’, faire tomber des débris dans ma province”. Elle explique aussi que le Saskatchewan est sans doute un des endroits où retrouver ces débris est le plus simple: le terrain est plat et agricole (et donc déboisé), et les orbites de Starlink passent beaucoup au-dessus. Le fait qu’on ait retrouvé deux pièces séparées dans le Saskatchewan en six mois indique probablement qu’il y en a beaucoup plus encore qui tombent dans des zones plus inacessibles, et l’impact environnemental au sol est lui aussi difficile à mesurer.
Ce qui me parait évident, c’est que la législation internationale sur l’utilisation de l’espace orbital n’est absolument pas adaptée à un monde où les principaux acteurs ne sont plus des états, mais des sociétés privées dont l’objectif principal est de permettre à des milliardaires de jouer à qui à la plus grosses fusée.