“Hold On”, c’est le film anti-vaccination réalisé par “un collectif d’anciens journalistes.” Comme toujours dans les pseudo-documentaires complotistes, il y a tellement d’affirmations fausses ou sorties de leur contexte à la minute qu’il faut dix fois plus de temps pour les réfuter qu’il n’en a fallu pour produire le film. Je trouve cependant toujours intéressant de regarder la malhonnêteté avec laquelle ce genre de projets manipule les chiffres pour générer la peur, leur source principale de revenus.
Un exemple flagrant est celui des décès liés aux vaccins. Dans le film, une musique dramatique accompagne la révélation des chiffres “sous-évalués” et dont les médias “n’ont jamais parlé”. 905 décès Pfizer. 77 Moderna. 216 AstraZeneca. 24 Johnson & Johnson. D’une voix sombre, le narrateur annonce: “Ici, ces personnes ne sont pas mortes de maladie, elles étaient sans doute bien portantes.”
Les chiffres annoncés ont même une source: l’Agence Nationale de la Sécurité du Médicament, l’ANSM. Plus précisément, on peut les trouver dans le dossier thématique COVID-19 de cette agence. Ainsi, en ouvrant le rapport détaillé Pfizer [lien PDF] au 26 Août 2021, on trouve effectivement un tableau parlant de 905 décès (et un peu plus loin dans le même tableau 906, et plus loin dans le texte 907: une constante des données médicales, c’est que c’est toujours la galère pour avoir des données complètement fiables!). Il s’agit bien de décès déclarés en pharmacovigilance après une vaccination: le visuel ne contient pas de mensonge.
Mais des mensonges, il y en a deux dans ce passage: un direct, et un par omission. Le direct est à l’oral. Lorsque le narrateur dit que ces personnes étaient “sans doute bien portantes”, c’est entièrement faux, et il suffit de lire la suite du rapport pour s’en rendre compte. Les chiffres incluent par exemple des “décès en lien avec l’évolution d’une pathologie chronique déjà présente avant la vaccination.”
Ce qui nous amène au mensonge principal, qui consiste à omettre les éléments du rapport qui expliquent et contextualisent les chiffres en question. Pour commencer, le fait que un décès déclaré “après une vaccination” ne signifie évidemment pas décès “causé par une vaccination”. Dès qu’une personne décède peu de temps après avoir reçu le vaccin (et ce “peu de temps” peut aller jusqu’à plusieurs semaines!), le décès est rapporté aux agences de pharmacovigilance pour qu’une enquête puisse avoir lieu. Le décès rentre alors directement dans les chiffres. Bien souvent, il est impossible de déterminer avec certitude au cas par cas si le vaccin est en cause. Parfois, il y a une autre cause très clairement établie.
Par exemple, dans ce rapport, on détaille les 36 décès survenu parmi les moins de 50 ans. On a des “causes inconnues” où “aucun élément transmis n’indiquait un rôle potentiel du vaccin”, des décès liés “à une évolution d’une maladie
préexistante”, et une série de 8 cas où les causes ont pu être établies de manière plus détaillées:
- Une réaction allergique aux arachides (le patient avait “ingéré une sauce à base d’arachides” juste avant que les symptômes n’apparaissent).
- Des problèmes d’AVC, rupture d’aneurisme, embolie pulmonaires, etc… qui sont arrivés entre deux semaines et deux mois après la vaccination, avec pour tous les patients sauf un des antécédents d’obésité/surcharge pondérale.
- Un cas d’AVC le soir même de l’injection chez un patient avec des antécédents d’hypertension artérielle.
Le coeur du mensonge est là: “Hold On” cherche clairement à présenter ces chiffres comme si il s’agissait des morts causées par le vaccin. Ce n’est pas le cas. Ces morts ont été déclarées après une vaccination, et le rôle de la pharmacovigilance est d’analyser tous les rapports de problèmes de santés déclarés après une vaccination pour déterminer si un lien existe.
Comment peut-on établir ce lien? En plus des enquêtes détaillées sur chaque décès qui permettent de voir si certains indices inquiétants en ressortent, on peut regarder si la mortalité après vaccination est plus ou moins importante que la mortalité attendue en temps normal. Ainsi, le rapport de l’ANSM indique que, pour près de 17 millions de vaccinés Pfizer de moins de 50 ans, on s’attendrait à avoir environ 700 décès sur la période étudiée. On en a 36. Cela ne signifie bien entendu pas que le vaccin Pfizer protège de toutes les autres causes de décès: on peut supposer que, par exemple, si quelqu’un décède après s’être fait renverser par un bus, on ne le signalera pas à l’ANSM même s’il sortait du centre de vaccination. Ces chiffres sont aussi évidemment à mettre en relation avec un autre: combien de décès liés au COVID durant cette même période?
En France, un peu plus de 900 décès pour prêt de 40 millions de vaccinés Pfizer (incluant des cas où il n’y a clairement pas de lien entre le vaccin et le décès). Toujours en France, 120.000 décès directement liés au COVID (pour environ 7,5 millions de cas rapportés).
Quand on regarde tous les chiffres, la conclusion est claire: se vacciner est, certainement pour les adultes (et probablement pour les enfants aussi), de très très loin la meilleure option.