Mise à jour 19 octobre 2022: pour une rétrospective complète sur l’affaire OneCoin, je ne peux que conseiller l’excellent Podcast de Jamie Bartlett et Georgia Catt, “The Missing Cryptoqueen”, qui enquêtent toujours sur la disparition de Ruja Ignatova.
Mise à jour 2 décembre 2021: où en est OneCoin aujourd’hui? Après avoir engrangé 4 milliards de dollars de revenus, la fondatrice Ruja Ignatova a disparu de la circulation et son co-fondateur Sebastian Greenwood est en prison. Son frère, Konstantin Ignatov, a également été arrêté (source: investopedia.com). Aux États-Unis, ceux qui blanchissaient l’argent récolté par l’arnaque ont également été arrêtés (source: Bloomberg). Le site onecoin.eu est dorénavant inaccessible. Laurent Louis s’est temporairement reconverti dans Kuailian (source: Facebook), une autre arnaque similaire principalement active en Espagne et qui s’est déjà écroulée depuis (source: behindmlm.com). Son compte Facebook aujourd’hui est surtout occupé par du complotisme anti-vaccination, mais il semble toujours proposer des investissements en cryptomonnaie, sans que ce soit très clair à quelle arnaque il s’est attaché pour l’instant, ou s’il s’est simplement mis à son propre compte…
Mise à jour 9 février 2018: à lire aussi, l’enquête assez détaillée de StreetPress, qui semble assez bien faire le tour de la question.
Mise à jour 24 janvier 2018: une descente de police a eu lieu dans les bureaux de OneCoin en Bulgarie. “Interpol suspecte que du crime organisé, du blanchiment d’argent, et peut-être même du financement de terroristes sont liés à la monnaie.”
En avril dernier, j’ai écris un article sur l’arnaque OneCoin, une fausse “crypto-monnaie” à laquelle, de façon tout à fait improbable, l’ex-député Laurent Louis s’est retrouvé lié. Cet article est sans doute le plus lu de ce blog, et tous les jours quelques personnes tombent dessus en cherchant sur Google des informations sur OneCoin. J’espère avoir pu dissuader l’une ou l’autre d’entre elles de tomber dans le panneau.
Si je reparle de OneCoin, c’est parce qu’ils semblent entrer dans la phase finale de leur arnaque, et redoublent donc pour l’instant leurs efforts de promotion dans l’espoir d’attraper quelques derniers pigeons. Et il faut leur reconnaître quelque chose : en tant qu’arnaqueurs, ils sont assez forts.
Leur grande annonce, faite sur YouTube par leur “guru” Ruja Ignatova, et diffusée sur des sites de marketing de réseau et sur les réseaux sociaux : OneCoin va être cotée en bourse au second trimestre 2018, et une boutique en ligne va ouvrir très bientôt où l’on pourra dépenser ses OneCoins pour de vrais chez des vendeurs, prouvant ainsi aux vils détracteurs qui osent l’appeler une “fausse crypto-monnaie” (oups) qu’ils ne sont que des jaloux.
Tout à la fin de la vidéo, après que Mme Ignatova nous ait dit au revoir, un message annonce par ailleurs ceci :
Ce message bien lourd en jargon, comme la plupart des communications OneCoin, est la clé pour comprendre l’arnaque qui est en train de se dérouler. Tout le bazar est assez bien expliqué dans cet article sur le site behindmlm.com, mais voilà l’idée en gros :
OneCoin a un problème. Comme la monnaie n’existe pas (on peut l’assimiler à juste des points sur leur site web), sa valeur est donnée de façon purement arbitraire par la société OneLife qui gère le truc. OneLife ne gagne des sous que si les gens continuent à acheter des points, et ils en perdent si les gens échangent leurs points contre de l’argent réel. Pour pousser les gens à garder leurs points, OneLife en augmente régulièrement la valeur, comptant sur le fait que c’est difficile de quitter tant qu’on est sur la “pente ascendante”.
La valeur a atteint un point où elle devient dangereusement haute pour OneLife : si trop de gens décident de “retirer leur mise” d’un coup, ça va leur coûter des sous. Le seul endroit où il est possible d’échanger ses points contre de l’argent est le site xcoinx.com.
Solution, donc : fermer ce site d’échange. C’est fait : il est maintenant “en maintenance”. Plus personne, pour l’instant, ne peut donc échanger ses OneCoins (c’est à dire ses points sans valeurs) contre des euros ou des dollars. Évidemment, juste faire ça ce serait suspect. Arrive donc la phase 2 : l’IPO.
L’Initial Public Offer, c’est la mise en bourse d’actions pour la société. Mettre la société en bourse n’est pas vraiment quelque chose qu’une société pas-très-légale comme OneLife peut vraiment faire. Ils donnent donc une date éloignée (fin 2018).
Le coup de génie : proposer aux gens qui “possèdent” des OneCoins de les échanger contre des OFC : des certificats qui leur donneront droit à des actions quand la société sera en bourse. Autrement dit : échanger des points sans valeurs contre d’autres points sans valeur, en donnant l’impression qu’il s’agit d’un pas en avant vers un futur pactole. En réalité, avoir ces certificats au lieu des OneCoin ne sert absolument à rien… si ce n’est que c’est autant de OneCoin qui ne pourront pas être dépensés dans le “nouveau site d’e-commerce”.
C’est la deuxième partie de l’annonce, celle qui est supposée vraiment légitimer le tout : enfin, le OneCoin pourra être utilisé pour acheter des vraies choses ! Ils ont déjà, disent-ils, des milliers de vendeurs prêts à l’accepter sur cette boutique en ligne qui va “rivaliser Groupon” : DealShaker. Les deals seront payés dans une combinaison de OneCoin et… d’euros. Et OneCoin prend en commission 50% de la valeur en euros (bizarrement, ils ne prennent rien sur la valeur en OneCoin). Vu que les vendeurs n’ont pas d’autre choix pour utiliser les OneCoin ainsi reçus que de les réinjecter dans ce réseau fermé, le résultat est assez exceptionnel (pour OneLife) : si ce système est un jour activé, les propriétaires de OneCoin vont juste pouvoir s’acheter des trucs entre eux, en versant à chaque fois une commission à OneLife. Et pendant qu’ils font ça, ils ne se plaignent pas de ne pas pouvoir les échanger contre des euros.
Évidemment, c’est aussi sans doute le début de la fin. Ils trouveront certainement une excellente raison pour retarder l’IPO, mais ils finiront par devoir faire ce que toutes les arnaques du même genre finissent par faire : prendre l’argent, fermer tout, et se barrer en courant. En laissant derrière eux des pauvres gens ruinés, et des riches gens prêt à découvrir que “gagner de l’argent sans devoir payer de taxe via du marketing de réseau” n’est pas vraiment un concept très bien reconnu par la justice.