L’Europe montre ces derniers mois un triste visage. Toute prétention de faire de l’Union Européenne un moteur de solidarité et de stabilité a été sacrifiée sur l’autel de la sainte Austérité. C’est le seul test qui semble compter pour savoir si un pays, si un gouvernement est fréquentable ou non, si son élection est légitime ou non.
C’est une Europe dans laquelle le gouvernement fascisant de Viktor Orban est un interlocuteur respectable, dans laquelle les politiques néo-franquistes de Rajoy sont totalement raisonnables, mais dans laquelle proposer des alternatives à l’austérité conduit à être immédiatement condamné comme un dangereux radical manquant du sérieux requis pour diriger un pays. Tsipras a concédé sur presque tous les points, il a accepté presque tout ce que demandaient ses créanciers, il a fait avaler à son pays des réformes auxquelles il ne croit pas et dont le peuple grec ne veut pas, cédant au chantage de ses créanciers… et ce n’est pas suffisant. Le président du parlement européen Martin Schulz l’a dit assez clairement : tout ce que l’Europe attend, c’est de voir Tsipras parti, Syriza anéanti, et un gouvernement de technocrates prêt à dire oui à tout, sans poser de questions, sans oser demander si vraiment ces réformes vont faire autre chose que profiter aux banques et enfoncer encore plus la population dans la misère.
L’Europe solidaire, l’Europe sociale, a-t-elle vraiment jamais existé ? Après tout, l’Union Européenne est née d’accords économiques de libre échange et d’accords militaires de protection mutuelle. La solidarité n’a jamais été qu’une pensée après-coup.
Au lieu de l’Europe solidaire, on a l’Europe austère.
Au lieu de l’Europe démocratique, on a l’Europe qui obéit aux ordres de Merkel. Ceux qui espéraient voir Hollande ramener l’Europe vers le centre peuvent oublier l’idée : à part quelques protestations d’usage, Hollande a rejoint le rang derrière la chancelière allemande.
Au lieu de l’Europe ouverte et pluraliste, on a l’Europe qui repousse les immigrés, qui crache sur les Roms, qui juge un pays sur son PIB et sa dette plutôt que sur la façon dont il traite ses pauvres, ses malades, ses minorités.
Cette Europe n’est pas la mienne. Je crois à une Europe qui ne cherche pas à fermer ses frontières, à une Europe qui prend soin des pays en difficulté pas pour qu’il puissent rembourser leurs prêts mais parce que prendre soin les uns des autres nous rend plus forts, plus unis, plus soudés. Parce que malgré tous ses défauts, l’Europe a maintenu la paix dans la région depuis plus de soixante ans, et que quand on abandonne un pays de l’Union, on fait un pas vers un retour à une Europe fractionnée, plombée par le nationalisme.
Les dirigeants européens prétendent que l’Europe ne sera pas affaiblie par un Grexit. C’est peut-être vrai sur le plan économique et à court terme. Mais ça marquerait le début de la fin. L’Europe doit pouvoir accepter des opinions contradictoires en son sein. Si le choix qu’on donne est “l’austérité ou la porte”, combien de temps faudra-t-il pour que tout le monde prenne la porte ? Si Podemos gagne les prochaines élections espagnoles, seront-ils traités de la même manière que Syriza ?
L’Europe doit se transformer si elle veut survivre. Si elle reste MerkelLand, elle est condamnée, et avec elle l’ère de paix, de stabilité et de prospérité à laquelle nos dernières générations ont pu s’habituer.